Calendrier de l'Avent

Jour 1
La flamme de la bougie éclairait la pièce et les visages tout en faisant vaciller l'ombre d'un vélo posé contre le mur. La cire goûtait lentement et tous buvaient les paroles de la barde. Elle avait dispersé un peu de farine sur un foulard et en un rien de temps, un lapin blanc des neiges était apparu. Le petit animal courait dans les plaines d'Albanie au rythme des chants et de ses boucles. Soudain, il disparu, enfermé dans le poing de la barde.
"Et c'est ainsi que se termina la mystérieuse quête de l’indien et de son éléphant en robe à pois…"


Jour 2
Le sylve se réinstalla contre la branche de l'arbre, l'écorce confortable contre son dos. Il grommela un peu pour la forme tout de même. Il avait beaucoup voyagé, il en avait vu des choses et pourtant, il n'était jamais arrivé à bon port.
"Suivre une étoile, elle est bien belle la légende, mais y a un peu beaucoup d’étoiles dans ce fichu ciel et quand je pense enfin avoir trouver la bonne, il faut qu’une satané tempête se lève et voilà que je vois plus une seule étoile!"
Voilà comment il s'était retrouvé à Venise à danser autour d'un lampadaire, voilà comment il avait chevauché une baleine dans les mers profondes… Mais maintenant, il était là, proche du sommeil et cherchant à son étoile dans le ciel. La voûte était belle ce soir et les astres multiples. Son esprit glissait au milieu des rêves, mimant le courant emportant une feuille. Avec un sourire en coin il se laissa aller complètement. Après tout, son étoile se trouvait peut-être au fond d'une armoire qui faisait voyager…

Jour 3
Lysander regardait le dragon d'eau s'ébattre dans le fleuve. Pensif, il se caressa le menton, passant sans y penser sur ses cicatrices. Une libellule voletait autour de son catogan mais il la chassa d'un revers de main. L'air était chargé de tension latente. Au loin, un yack paissait tranquillement l'herbe framboise, contrastant avec l'ambiance électrique. Lysander la sentait remonter dans sa colonne comme un serpent s'unissant avec un irbis du nord. Des choses terribles allaient arriver et rien de ce qu'il pourrait faire ne réussirait à l'empêcher.
Soudain, un alligator se redressa dans les flots et attrapa un nasique imprudent entre ses mâchoires puissantes. La pauvre bête n'avait aucune chance. Le reptile non plus. Godzilla, son dragon goba à son tour l'alligator. Ainsi allait la vie dans ces contrés inhospitalières. Point de chat jouant devant l'aquarium d'un poisson rouge comme certains rêvaient le monde. Mais de la violence partout et en tout point.
Des chasseurs s'étaient présentés au village. Des êtres qui n'hésitaient pas à tuer des éléphants innocents juste pour quelques grammes d'ivoire. Ne seraient-ils pas prêts à tout pour obtenir une écaille de dragon ? Une goutte ou deux de sang ? Des rats porteurs de maladies, qui détruisaient tout sur leur passage.
Lysander se détourna, ayant enfin pris sa décision. Il n'avait pas vécu toutes ces années pour rester les bras croiser. Cela ne servirait probablement à rien, mais il se devait d'essayer.

Jour 4
Sans nul doute, il avait fière allure sur ses patins. Il filait comme le vent sur la glace, son chapeau comme collé sur la tête et la cravate de sa mère voletant telle une cape ! Il imaginait les regards émerveillés des enfants, car après tout, ce n'était pas banal de voir un bonhomme de neige aussi à l'aise sur une patinoire !
Car oui, en cette journée de Noël, tout était possible.
Entre deux glissades, il avait entendu une enfant demander à la femme qui l'accompagnait :
"Maman ! pourquoi on doit toujours attendre Noël pour avoir des cadeaux ?!
-Parce que le père Noël ne peut survivre hors de sa cachette qu’en ce jour ma puce."
Le bonhomme de neige avait été impressionné. Peu de gens connaissaient cette vérité pourtant universelle et consignée dans le livre des lutins. Le Père Noël ne pouvait survivre dans le monde humain que ce seul et unique jour par an de la même façon que lui, petit bonhomme de neige ne pouvait prendre vie qu'en ce jour de naissance des brumes.
Une vie courte, éphémère mais pleine de promesses ! Aussi glissait-il sur la patinoire, au milieu d'enfants petits et grands, car quelle plus belle façon de vivre si ce n'est entouré de cris de ravissement ?

J5
Un air glacial soufflait, une sorte de couche de terre immaculée gelait ses pieds. Il faisait bien trop froid pour cet être venu du cœur de la planète. La chaleur de la forge et de ses forgerons n'étaient plus qu'un lointain souvenir, disparaissant de son esprit comme une ondine au coeur des eaux. Il faisait froid et il avait peur. Dans cette lumière blanche, les ombres s'étiraient de manière anormale, froide. Lui qui n'avait connu que des ombres dansantes, se trouvait maintenant entouré d'ombres rigides, aussi impersonnelles que l'hiver. Au loin, une horloge sonna et son cri, son "Ho ho ho" résonna dans le couloir rouge et blanc, se répercutant sur les murs aux pierres multicolores. Il devait se dépêcher, l'homme avec qui il avait rendez-vous ne souffrait aucun retard. Il faut dire qu'en cette nuit, il avait un emploi du temps chargé.

J6
"Un sapin qui s’illumine tout seul… D’accord ça passe encore… Des boules de noël qui chantent… On va dire que c’est la magie de noël ! Mais des cadeaux qui décident de fuir à toute jambes dans les rues de Londres... Plus rien ne va dans ce pays !"
Elle ne savait plus trop si elle parlait à son verre ou au tenancier du bar. Il était sympa George. Un bon Troll poilu comme on en fait plus ! Il avait décoré avec goût et fantaisie sa bicoque dans des tons bleus, assortis à sa fourrure qui donnait envie de se blottir contre lui. Mais gare à l'imprudent qui se tenterait à le faire ! Celui-là serait poursuivi à coup de compotier ! Ce qui serait dommage car les compotes de George étaient fameuses. Il existait même une confrérie qui s'était créé et qui se réunissait à la bibliothèque pour en vanter les louanges. Pas n'importe quelle compote pouvait se targuer de ça !
Elle grogna alors que George lui retira son verre.
"Tu en as assez eu pour ce soir je crois."
Sacré George… Elle s'écroula sur le bar.

L’Indien

On l’appelait Pocahontas depuis son enfance parce qu’elle avait de longs cheveux sombres et la peau mate.  Elle avait quinze ans et elle en avait un peu assez, alors sur un coup de tête et comme elle s’ennuyait, elle prit les ciseaux et CLAC. Elle coupa sa chevelure d’un seul coup. Elle se regarda dans le miroir tout d’abord avec surprise puis avec un grand sourire. Elle avait  eu l’impression d’être face à une étrangère mais en réfléchissant elle était toujours elle-même et aussi une nouvelle personne. Elle avait toujours sa peau mate et des cheveux sombres mais ils étaient aussi courts que ceux d’un garçon.

Elle décida de sortir dans la rue pour voir qui elle croiserait et s’ils oseraient l’appeler Pocahontas.  Au pied des tours, il y avait cette bande de garçons qui jouaient les durs mais ne lui faisaient pas peur. Ils la dévisagèrent avec curiosité et l’un d’eux lui dit : « _  Toi t’es qui ? Tu ressembles à Pocahontas ? T’es un de ses nombreux cousins c’est ça ? »

Elle fut surprise et le cacha du mieux qu’elle put.  Ces garçons qui se moquaient d’elle en permanence ne la reconnaissaient pas. Ils la prenaient pour un garçon. Elle répondit alors : « _ Je suis l’Indien et je te conseille de laisser Pocahontas tranquille ou tu auras à faire à moi. » Ils s’esclaffèrent de rire et se moquèrent d’elle. « _ Tu nous fais pas peur avec tes hanches de fille…  Espèce de fillette ! … Tu fais plus princesse que ta cousine. » Elle était folle de rage mais elle garda son calme et resta là à les défier du regard, les bras croisés et la tête haute. Puis, quand elle en eut assez elle cracha par terre et s’en alla en ignorant leurs insultes.

Etre différente physiquement lui faisait faire des choses qu’elle n’avait jamais faites avant. Elle détestait cracher par terre mais c’était le genre de choses que font les garçons alors autant en profiter. Habituellement pour se défaire de cette bande d’idiots elle partait en courant mais si elle avait fait ça ils l’auraient reconnu car personne ne courait plus vite qu’elle dans la cité. Là, elle s’éloigna d’eux en marchant et alla jusqu’au parc. Elle s’assit sur banc, ferma les yeux et somnola au soleil. Elle adorait la chaleur et faire le lézard ne la dérangeait pas. Elle avait dû s’endormir car quand elle rouvrit les yeux ; il y avait une peluche d’éléphant, posée sur le banc.  Cela devait appartenir à une gamine de cinq ans car qui habillerait d’éléphant dans une robe rose avec des poids bleus ?

Elle rentra chez elle avec  l’éléphant car même s’il était probable que ce truc appartienne à un gosse cela l’occuperait de chercher à qui c’était.  Ce n’est pas comme si elle avait autre chose à faire pendant ces deux longs mois de vacances d’été. En attendant le lendemain, comme sa mère n’était pas rentrée elle prit de la farine, du lait, du sucre, des œufs et se prépara des crêpes qu’elle tartina avec beaucoup de pâte à tartiner.  Ensuite, elle alla dans sa chambre. Elle avait posé la peluche d’éléphant à côté de son lapin. Lui, n’avait pas de robes mais une salopette en jean rouge. Il était usé car elle l’avait depuis sa naissance. L’éléphant en le regardant mieux avait l’air aussi usé. Peut-être qu’il appartenait à quelqu’un d’aussi âgé qu’elle alors ?

Le lendemain matin, elle enfourcha son vélo car elle n’avait pas envie de marcher. Pour aller avec son surnom d’Indien, elle avait noué un foulard bleu ciel autour de ses cheveux. Une plume noire était accrochée au bandanas.  Elle pédalait à toute allure car elle était pressée d’arriver au parc. Elle avait rêvé d’éléphants qui dansaient la valse dans la neige tendre et moelleuse d’une forêt d’Albanie. Et au milieu de ce ballet de pachydermes Voldemort faisait un discours en fourchelang.  Elle éclata de rire car ce rêve n’avait aucun sens. Elle avait une énième fois relu Harry Potter car c’était sa saga préférée et il était courant qu’elle fasse des rêves ridicules avec Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Comme de nombreux Potterheads, elle s’imaginait souvent, recevoir sa lettre cachetée de cire, pour entrer à Poudlard.

Elle arriva au parc de bonne humeur et s’arma de patience. S’il le faut personne ne viendrait alors elle avait pris un livre avec elle. Elle attendit toute la matinée et envisageait de partir parce qu’elle avait faim quand un garçon qu’elle ne connaissait pas entra dans le parc. Il était aussi roux qu’un Weasley et il se dirigea vers la peluche d’éléphant qu’elle avait posé là où elle l’avait trouvé.  Il lui dit bonjour d’un air espiègle et ajouta : « _ Je suis content d’avoir retrouvé mon Portoloin. » Il posa la main dessus et il disparut.

Elle resta là, assise sur son banc les yeux écarquillés. Elle ne pouvait y croire. Le garçon avait parlé de Portoloin et il avait disparu avec l’éléphant en peluche. Cela voulait dire que… l’univers Harry Potter existait vraiment. Sa quête du propriétaire de l’éléphant et sa robe à pois l’avait mené à une plus grande quête. Elle devait trouver le monde des sorciers et tout faire pour en faire partie.

J7
Eowyn n'avait rien de candide. Ses grands yeux bleus et sa longue chevelure châtain clair en avaient abusé plus d'un mais ils s'étaient vite mordus les doigts alors qu'ils réalisaient qu'elle n'était pas un oiseau sans défense face à un anaconda.
Elle vivait sa vie comme elle l'entendait mais pourtant, il y avait toujours des râleurs. Des hommes qui pensaient que parce qu'elle était femme, elle devait leur rendre des comptes. Mais non. D'habitude, elle partait voir ailleurs, elle reprenait le chemin mais pas aujourd'hui. Non, elle n'était pas femme à se laisser faire et ce que ce mage lui avait fait… Elle ne le laisserait pas s'en tirer aussi facilement.
Elle était arrivé hier dans cette ville, en quête d'un abri pour quelques jours. Comme tous les voyageurs, elle avait été impressionnée par l'imposante montagne sculptée. Des machines voletaient en tous sens comme des moucherons pour vérifier et corriger l'érosion de cette oeuvre d'art. C'était une ville où elle aurait pu se sentir à son aise pour quelques temps du moins, sauf qu'il avait fallu qu'elle croise un mage fou. Car il fallait être fou pour réagir comme il l'avait fait ! Il se tenait devant sa boutique ésotérique lorsqu'elle l'avait croisé. Assis sur un tonneau, les jambes repliées et les genoux vers l'extérieur il jouait tranquillement de la flûte. Mais tandis qu'elle passait devant lui, il l'avait haranguée pour qu'elle vienne visiter son échoppe et qu'elle découvre son avenir. Très peu pour elle et elle était partie sans un regard en arrière, sous les malédictions du mage.
Sauf que ce matin, alors qu'elle commandait son déjeuner, une désagréable surprise fit son apparition : elle n'arrivait plus à se faire comprendre. Comme si… Comme si elle ne parlait plus la même langue ! Cela ne pouvait être que le fait de cet homme et il allait le payer.

J8
"Et si l’on fêtait Noël en été ?"
Ils l'avaient tous regardée avec des yeux ronds.
"Non mais tu plaisantes ?! Noël, c'est en hiver, pas en été. Tu as toujours des idées tordues."
Elle avait plissé les yeux et la bouche de contrariété. Ils étaient au bord de la rivière pour pique-niquer et elle avait penser que le moment était bien choisi. Elle avait juste oublié leur étroitesse d'esprit… Elle piocha un biscuit dans le bol et se pencha en avant.
"Où est passé votre esprit d'aventure ? Où..."
Elle n'eut pas le temps de finir qu'ils répondirent tous à l'unisson " avec Grizzly !" avant d'éclater de rire.
Impossible d'avoir une conversation sérieuse avec eux parfois. Elle aimait beaucoup ses amis mais ils pouvaient être très exaspérants. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien trouver à ce chat ? Dans son fort intérieur, elle l'appelait Yéti mais avec les autres, il valait mieux qu'elle évite de le dire à voix haute. Et puis, c'était réciproque, le chat noir ne l'aimait pas non plus. Enfin, il était bizarre ces derniers temps. Il s'était mis à ronronner en sa présence, à vouloir des caresses. Lui qui n'avait jamais voulu qu'elle l'approche - ce qui lui allait très bien au demeurant - voulait maintenant être tout le temps en sa compagnie. Quelle horreur ! Non, le pire était quand il lui ramenait des animaux morts en cadeau. Souris, araignées et autres trucs dégoûtants… Et qu'elle devait le féliciter ! Non, décidément, ce chat n'était pas normal. Mais elle n'allait pas le laisser gâcher ce bon moment au soleil. Noël en été, ça, c'était une idée à laquelle s'accrocher !

J9
La Grande Intendante était perplexe. Dans sa chambre aux mille vitraux, la Princesse du Démon refusait de se réveiller. Non pas qu'elle refuse de se lever, non, mais elle dormait du sommeil des justes et il était impossible de l'éveiller. Comment allait-elle expliquer cela au Souverain Suprême ? Rien ne laissait présager une telle mauvaise nouvelle ! Hier encore, la Princesse était toute guillerette après la lecture du courrier des classiques. Cette journée devait marquer un tournant dans son gouvernement mais si la Princesse ne se réveillait pas, l'heure serait grave pour le royaume.
Désespérée, elle regardait partout autour d'elle. Comment faire ? Soudain, un élément incongru attira son regard. Une mixture gluante à l’aspect de chewing-gum, de couleur indigo, mais dégagent une forte odeur de tomate, sortait d’une étrange machine et remplissait petit à petit un chaudron géant. Elle s'approcha lentement. Voilà pourquoi la Princesse ne se réveillait pas… Cette action ne pouvait provenir que d'un seul et même groupuscule… Tout cela avait le goût du traducteur...

Elle ne sait pas pourquoi elle s'est rendue au Musée Grévin. Elle se dit que c'est pour noyer le bizarre dans le bizarre. Plus tôt dans la journée, elle a eu une vision qui l'a chamboulé. C'est stupide se répète-t-elle. Ce n'était qu'un pneu. Un pneu qui l'a tout de même conduit à visiter le musée des poupées de cire. Ici, avec la lumière tamisée et ces célébrités semblables aux I.A. Japonaises très réelles mais pas suffisamment pour créer une atmosphère de malaise. « Tout va bien, madame ? » lui demande-t-on. Elle dit oui par politesse mais pense non.

En plein milieu des ruines, une pensée vient voyager dans le flux de ses autres pensées. Ce n'est pas le moment. Elle est ici, en Albanie, dans les ruines de Rozafa Castle pour son travail. Elle ne peut pas se permettre de recommencer à psychoter. Elle n'est plus cette petite fille qui vivait dans un village poussiéreux sans argent. Il est fini le temps où ses jouets consistaient par exemple en ce simple pneu. Où c'était elle qui poussait son pneu.

Allongée dans son lit, elle éteint la télévision et délaisse Bugs Bunny. Même le lapin n'arrive pas à la distraire. Alors elle tend le bras et attrape le livre sur sa table de chevet. Un vieux livre qu'elle a acheté dans une brocante. La couverture et le recueil de contes lui ont fait penser à son pays de naissance. Elle a eu envie d'en savoir plus. Puis le prix était ridicule. Le marque-page lui permet de découvrir ce qu'elle va essayer de lire : la mystérieuse quête de l'indien et de son éléphant en robe à pois. Rien à faire, son esprit lui interdit de penser à autre chose qu'à ce pneu.

Ridicule. Elle qui s'est extirpée de la misère et des breloques faits avec les ordures. Elle qui est parvenu à gagner de belles sommes d'argent lui permettant de s'acheter des bijoux plaqués or. Voilà qu'elle a chaussé des chaussures de randonnée, qu'elle pénètre dans les fermes isolées et touche chacun des pneus qui recouvrent de grands collines bâchées. Ce pneu qu'elle a vu une fois se mouvoir tout seul, ce pneu qui lui rappelle celui qu'elle avait étant enfant. Ce pneu la hante et la force à charger des moulins avec le même esprit que Don Quichotte. Elle préférerait mettre les mains dans la farine sèche de ces moulins plutôt que de s'enfoncer dans la boue humide.

Au loin, un bruit de moteur. Maintenant derrière elle, une moto qui s'arrête. Elle ne comprend pas ce qu'il dit, ce doit être à cause de son foulard. Le motard répète mais elle n'a d'yeux que pour la moto. Il répète encore et ne reçoit aucune réponse. Il s'énerve. Mais elle ne perçoit pas le danger. Hypnotisée par la roue avant de la moto. Par le pneu qui l'entoure. Le motard est descendu et s'approche d'elle. Ce n'est que lorsque la moto est obstruée à sa vue par l'homme au foulard qu'elle relève la tête et comprend soudainement dans quelle misère elle se trouve.

Il est là. Devant elle se trouve le pneu. Il n'est pas différent de tous les autres qu'elle a fouillé dans la colline bâchée derrière elle. Il se trouve devant elle et elle ne voit que lui. Personne derrière pour le pousser. Aucun appareil à l'intérieur qui expliquerait sa capacité à se mouvoir. Le seul autre humain entre elle et le pneu est le motard au foulard. Enfin, ce qu'il reste du foulard après que sa tête est explosé. Comme dans le film Rubber. Ce pneu qu'elle a connu est devenu un tueur. Est-il seul ? Est-il accompagné dans sa vie d'un vélo comme épouse ? D'un tricycle comme meilleur ami ? Ses pensées sont irrationnelles. Mais elle a vu la tête du motard partir dans une explosion de chairs, d'os et de tout un tas de choses dont elle préfère ne pas savoir le nom.